[Avis PC] FROSTPUNK – Un vent frais dans un silence glacial
Après le succès incontesté de la saga The Witcher de CD Projekt Red, la Pologne est devenue une terre connue dans le monde du jeu vidéo. Dans la lignée du succès de leurs compatriotes, le studio 11 bit Studios nous offre This War of Mine, une aventure authentique pendant le siège de Sarajevo attachée à la fois à la crédibilité historique et aux questionnements moraux. Leur second jeu nous met à la tête d’une colonie de survivants devant affronter un froid hivernal particulièrement cruel, par -20 degrés l’espoir et le réconfort seront un luxe que la chute des températures élèvera au rang de rêve. Survivrez-vous à cet hiver infernal, saurez-vous guider votre colonie vers le salut ou finirez-vous exilé à cause de votre incompétence ? Tels seront vos combats dans…
L’été sera chaud ….
Vous ne serez pas le bienvenu dans l’uchronie de Frostpunk, l’humanité a poussé trop loin la générosité de Mère Nature et la chaleur bienfaitrice qu’elle prodiguait s’est transformée en cruelle froideur. Les seuls rescapés ont réussi à trouver un petit peu de réconfort parmi ces neiges éternelles, ainsi naquit New London. La technologie moderne n’a pas survécu mais tout n’étant pas perdu vous débarquerez en pleine Révolution Industrielle, charbon, acier et machines à vapeur seront vos armes pour survivre à cette hiver sans fin. Bien au chaud à côté de votre générateur vous devrez à la manière d’un sim city positionner les bâtiments autour de cette immense machine qui sera votre seul rempart à l’adversité. La croissance se faisant de manière concentrique et harmonieuse offrira au joueur un sentiment de jouissance particulièrement agréable à contempler … un peu de chaleur dans un froid de brute.
La construction, la croissance et l’évolution technologique reprennent les standards connus de grands titres comme Tropico ou Anno. Dans un premier temps, il faudra exploiter les ressources à disposition à l’air libre dans cette vaste crevasse que vous appellerez un foyer, quelques morceaux de charbon suffiront pour relancer le réacteur qui est vital à votre survie. De manière subtile un manteau blanc recouvrira peu à peu les bâtisses que vos efforts auront sorti de cette terre gelée, bien loin d’être anodin, il introduit un élément crucial : la gestion de la température. En effet, même s’il va se révéler assez facile de donner un toit et un travail à vos concitoyens, leur apporter la douce chaleur réconfortante d’un foyer (un feu) va devenir de plus en plus compliqué. Dans un premier temps, la chaleur du générateur ne s’étend qu’aux bâtiments du cercle proche, même si ce rayon va s’étendre au fur et à mesure des améliorations. La gestion devient alors cruciale et il faudra faire attention à placer les bâtiments les plus importants comme les hôpitaux, maisons et cantines à proximité, d’autres bâtiments pourront eux se contenter de fonctionner avec une chaleur moindre. Il est bien évidemment possible de surveiller les températures de chaque bâtiment d’un seul clic pour localiser les foyers de chaleur et de réguler l’activité du générateur pour éviter les pénuries et les surchauffes.
Un foyer agréable à la lueur du charbon, des soins médicaux et un bon repas chaud, et voilà que vous vous imaginiez diriger votre petite vie tranquille de chef de village sans vraiment vous inquiéter du lendemain. Mais même dans un monde post-apocalyptique le code du travail a survécu, vos ouvriers se reposeront pendant la nuit, les bâtiments de production seront à l’arrêt ajoutant un niveau supplémentaire à la gestion du jeu. Il faudra ainsi prévoir ces périodes creuses pour éviter d’être pris au dépourvu et se retrouver sans ressources durant la nuit. Les ouvriers devront travailler dur, souvent sur plusieurs postes et parfois quelques jours d’affilée sans se reposer pour assurer la survie de votre petite colonie.
L’espoir fait vivre
Espoir et mécontentement seront les jalons de votre développement. Frostpunk tout comme This War of Mine verra peser sur chaque décision le lourd couperet des conséquences. Vous devrez ainsi gérer en temps réel l’espoir qui éveillera les consciences et le mécontentement qui embrasera les conflits. La moindre petite action influencera ces 2 petites barres qui rythmeront vos parties. Les habitants auront des besoins et demandes qu’il conviendra de satisfaire pour leur redonner espoir, à l’inverse ne pas les satisfaire augmentera le mécontentement et fera perdre espoir à vos citoyens, la famine, la maladie ou l’épuisement feront de même. On comprend assez vite que la clé de la survie tient dans l’anticipation, vous serez vite dépassé par une horde de citoyens qui remettront en question vos actions en tant que gouverneur en vous demandant des congés, des rations supplémentaires ou un peu plus de chaleur.
Enfilé vos raquettes et votre manteau de fourrure le plus chaud car il est maintenant temps de vous aventurez en dehors de votre trou bien chauffé pour partir à la découverte du monde en quête de ressources et éventuellement de survivants. Vous n’êtes effectivement pas seul et vous pourrez assez rapidement vous aventurer dans les vastes contrées gelées pour trouver du ravitaillement et offrir une main secourable aux âmes errantes et au moins chanceux. Cette petite exploration plus ou moins scénarisée vous apportera des petits plus en ressources et la main d’œuvre qui rendront votre gestion de la survie bien plus facile.
Même si tout se passe bien, cela ne durera pas, il y aura toujours un moment où ce monde cruel fera ressortir vos instincts les plus primaires pour agir pour le bien de tous …. Ou du moins c’est ce que penserez. Vous mettrez de côté la bienveillance et les compromis pour imposer des lois ; manque de main d’œuvre, pourquoi ne pas faire travailler les enfants, la famine se fait sentir, rien de tel qu’un bon repas de sciure, manque de ressources, pourquoi ne pas faire travailler la main d’œuvre 2h de plus et la nuit s’il le faut. Quand la survie est en jeu à mesure que la pression s’accumule, des options de plus en plus drastiques s’offre à vous pour faire face à des situations de plus en plus critiques.
A mesure que la partie avance, vos options s’élargissent en même temps que le nombre de lois disponibles. Les lois sont une chose mais pour continuer à diriger de manière pérenne vous devrez donner à vos concitoyens un but, le jeu vous offre alors le choix entre 2 options : la religion, en érigeant des églises pour canaliser et utiliser la frénésie fanatique de vos citoyens ou l’ordre, en postant des tours pour surveiller et réprimer et même parfois exécuter les gens en place publique. Ce qui est dommage c’est qu’au bout de 3 ou 4 parties vous aurez fait le tour de toutes les possibilités et finirez par ne choisir que les bâtiments et lois vraiment utiles.
Un froid bipolaire
C’est ainsi qu’on touche aux limites des possibilités du jeu. Le coté city building est vite redondant et il est rapidement aisé de connaître l’impact de chaque décision. Laissez mourir de froid 30 personnes n’est pas bien grave si une expédition revient avec quelques survivants, une pénurie de nourriture ne commencera à devenir un problème qu’après une dizaine de morts et la plupart de vos travailleurs sauront se priver de sommeil pour assurer la production des bâtiments pendant plusieurs jours d’affilé. Vous saurez être sans pitié sans le moindre état d’âme car cette empathie que vous développiez avec vos petits protégés dans This War of Mine est absente quand il s’agit de gérer une centaine d’anonymes.
Au final, l’intérêt du jeu se trouve de deux manières différentes : l’expérimentation de nouvelles mécaniques ou tout simplement en se fixant soit même des limites (ne pas évoluer ses bâtiments, ne pas avoir de morts …). Même avec les 3 scénarios proposés (un quatrième devrait arriver par la suite) offrant des trames scénaristiques et une carte différente pour chacun d’entre eux on arrive rapidement au bout des 40jours de survie nécessaires à la victoire (quelques heures de jeu pour plusieurs essais). C’est très léger si on considère le genre proposé surtout si on considère que la rejouabilité se limité à un mode hardcore peu convaincant. On regrettera l’absence d’un mode bac à sable permettant de bidouiller les paramètres à volonté pour relancer l’intérêt pour le jeu.
Conclusion
On se remet encore du traumatisme des ghettos de Sarajevo explorés dans This War of Mine et on se délecte à l’avance lorsqu’on découvre l’univers de Frostpunk. D’abord séduit par une mécanique de city building bien huilée servie par une direction artistique de très bonne facture on apprécierait presque l’ambiance dépressive qui plane dans ce désert glacial. Cruel, violent mais jamais indécent le dernier jeu de 11 bit studios saura captiver pendant une douzaine d’heures avant que le joueur s’installe confortablement dans une routine bien huilée et se désintéresse du titre. Loin d’être une copie blanche il manque malheureusement à Frostpunk quelques éléments pour vous transporter au pays de la dépression de manière pertinente.